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ORIGINE

DU PROJET

Dans le cadre des « Petites Mythologies », projet initié par la Fédération - compagnie Philippe Delaigue, la compagnie Transports en commun s'est vue proposer une collaboration artistique et financière, et Lea Menahem, la co-mise en scène de deux de ces quatre petites formes.  Ce projet à pour objectif de réécrire certains grands récits de la mythologie gréco-romaine empruntés notamment aux Métamorphoses d'Ovide. C’est dans le cadre de ce projet que la compagnie propose une petite forme avec pour figure centrale le clown, déjà une métamorphose donc, dans une adaptation du mythe de Pyrame et Thisbé.

La première version de la pièce, une forme courte, a d’ors et déjà été créée et jouée à de nombreuses reprises dans des collèges et des lycées. Notre désir avec cette première forme était de susciter le débat chez les jeunes spectateurs sur des thématiques particulières : l’amour d’abord mais aussi les peuples ennemis, la traversée des mers, l’arrivé en terre inconnue, la peur de l’autre… et malgré tout l’amour, encore.

Il s’agit maintenant de déployer le spectacle, et de l’amener à sa forme longue.

MYTHE ORIGINEL

ÉLÉMENTS MAJEURS DE L’ADAPTATION

Pyrame et Thisbé sont deux jeunes babyloniens qui habitent des maisons contiguës, s'aiment malgré l'interdiction de leurs parents et se parlent le soir à travers la fente d’un mur qui sépare leurs deux chambres. Une nuit, ils se donnent rendez-vous en secret, sous un mûrier blanc, près d’un tombeau. Thisbé arrive la première etmais la vue d'une lionne à la gueule ensanglantée la fait fuir ; son voile lui échappe et il est déchiré par la lionne qui le souille de sang. Lorsqu'il arrive à son tour, Pyrame découvre le voile et les empreintes du fauve : croyant que Thisbé en a été victime, il se suicide. Celle-ci, revenant près du mûrier, découvre le corps sans vie de son amant et préfère elle aussi se donner la mort. Leur sang répandu donnera leur couleur rouge aux mûres, souvenir de ce deuil.

  • Le mur n’est plus celui qui sépare la chambre des deux amants, mais celui qui sépare leurs nations en coflit ; un mur comme ceux qui aujourd’hui continuent de pousser un peu partout dans le monde.

  • Le lieu du rendez-vous n’est plus un tombeau mais un cimetière ; un cimetières où l’on peut voir des amants se donner des rendez-vous pour s’y aimer clandestinement.

  • La lionne devient dans notre histoire un soldat posté à un check-point, que Thisbé déjoue pour passer de l’autre coté : sur le territoire de son amant.

NOTE

D'INTENTION

Nous voulions une histoire d’amour, un duo.

Lorsque Philippe Delaigue nous a proposé de nous plonger pleinement dans Les Métamorphoses d’Ovide pour fabriquer ces quatre petites formes, nous lui avons tout de suite proposé un duo de clown pour parler de mythologie et de métamorphose.  

Un garçon et une fille qui s’aiment d’abord.

Mais parler d’amour n’est pas suffisant.

L’amour devait rester un prétexte, un prétexte pour dire autre chose.

Utiliser la dynamique du duo amoureux pour dire plus.

Un couple tragique ! Ça s’était bien !

Proto Roméo et Juliette, l’histoire de Pyrame et Thisbé nous a tout de suite parus intéressante, et en particulier le rôle actif que joue le mur dans cette tragédie.

J’ai pensé à tous ces murs de plus en plus présents sur la carte du globe, ces murs qui empêchent et qui tuent, mais qui restent des murs, c’est à dire des constructions vouées à tomber.

Si l'histoire de Pyrame et Thisbé date, nous faisons entrer en résonance leur drame avec celui des exilés, qui par nécessités (politiques, économiques ou amoureuses, donc) franchissent les barrières, traversent les mers, parcourent les routes, percent les murs.

La richesse de l’adaptation d’un mythe réside dans son interprétation, dans le regard de celui qui veut y voir et y entendre quelque chose.

EXTRAITS

DU TEXTE

(…) 

NARDIMOU. C'est la fille qui a passé le mur

MAURICE. Thisbé

NARDIMOU. C'est toujours les filles qui passent les murs

MAURICE. Parce que, moi, je réfléchis

NARDIMOU. Plus loin, quand la ville est finie plus loin, y'a un trou dans le mur, pas un petit trou pour parler non, un trou vraiment gros en anglais, dis-le, toi, Maurice

MAURICE. Un check-point. Check-point !

NARDIMOU. Tu le dis vraiment bien ce mot, j'adore. Ça veut dire qu'on te contrôle, qu'on fait un point sur ton contrôle, comme ça quand le point il est bien fait sur ton contrôle, c'est le moment où tu peux vraiment être plus que sûr que tu pourras jamais passer de l'autre côté. C'est ça le truc anglais

MAURICE. Check-point

NARDIMOU. C'est un endroit pas fréquentable du tout, un endroit pour faire très peur et être sûr que les gens ne voudront plus jamais être contrôlés si c'est pour se retrouver à poil jeune ou vieux, homme ou femme avec le gars en costume qui te contrôle tout avec les mains et même là où y'a rien du tout à contrôler…

MAURICE. Check-point

NARDIMOU. Et c'est là que la fille, Thisbé, elle arrive quand elle décide de passer le mur

(…) 

NARDIMOU. Moi non plus j’aime pas la mort. Mais on peut pas faire sans. Surtout nous. Alors voilà. Pyrame, il trouve pas Thisbé, mais il trouve un mouchoir avec du sang et un couteau. Alors il panique. On panique beaucoup chez nous. On voit tout toujours en pire. Comme ça on est jamais déçu. Il imagine pas que j'aie pu saigner du nez à cause de toutes les émotions, non ! Il imagine pas non plus un petit pique-nique avec une betterave rouge sur un mouchoir, non ! Tout de suite, il me voit éventrée dans une poubelle, débitée en tranches entre deux tombes, déchiqueté par un satyre et comme il est très impulsif et qu'il s'en veut beaucoup d'être arrivé trop tard, eh ben… eh ben…

 

PYRAME. Je pleure, je pleure beaucoup parce que j'aime tellement celle que j'ai jamais vue que je voudrais la voir pour de vrai pour lui dire tous les mots que j'avais prévus quand ça manque, tous les mots à déboucher les horizons et je prends le couteau et je le plante là, et puis là, et puis là aussi parce que la mort c'est encore plus long que la tragédie, alors je le plante là et là encore et le sang c'est une flaque, une flaque chaude immense à traverser pour se noyer et je me noie, je me noie, je me noie, je me noie…

Maurice s’éteint

THISBÉ. Et Pyrame, il est mort quand je reviens dévanouie, toute heureuse, toute chancelle, toute cadeau, toute chose et je le vois couché là tout naufrage sur une plage comme un enfant et je le reconnais tout de suite comme je l'avais imaginé, alors je l'appelle pour faire tout comme si c'était possible – Pyrame ! Pyrame! – et je lui dis kiwi, noisette, héliotrope et guimauve et je lui vole des petits bisous comme quand c'est possible et moi aussi je glisse dans le rouge, dans le chaud, dans le bon, dans l'immense pour faire avec lui une minuscule goutte d'amour infini.

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